fermer menu

IFI – Nouvelles règles d’évaluation de la fraction des titres de sociétés imposable : quel impact ?

« L’IFI frappe tout l’immobilier mais rien que l’immobilier » comme nous le rappelions dans nos précédents bulletins sur l’IFI (volet 1 et volet 2).

Cette maxime est d’autant plus vraie à l’aune des modifications apportées à l’article 973 du CGI par la loi de finances pour 2024. En effet, pour l’immobilier détenu en société, seul le passif afférent aux actifs imposables sera dorénavant déductible.

Dans ce bulletin, nous revenons sur l’origine, les conséquences et l’impact réel d’une telle modification.

I. Un objectif d’alignement des règles entre détention directe et indirecte

Le vote en faveur de la modification du passif déductible pour déterminer la fraction imposable à l’IFI des titres sociaux a été guidé par la volonté d’aligner l’assiette de l’IFI des contribuables possédant un patrimoine immobilier via une société sur le régime applicable aux détentions directes.

La détention d’immeubles en société pouvait provoquer un effet d’aubaine lorsqu’il existait un passif social non afférent à l’actif immobilier imposable. En pareil cas, l’IFI sur les parts de la société était moins élevé que si l’immeuble avait été détenu en direct. Néanmoins, dans d’autres situations, l’effet inverse pouvait se produire.

Le paragraphe IV de l’article 973 du CGI a ainsi été voté par l’article 27 de la LF2024 en ces termes :

« IV.-Pour la valorisation des parts ou actions mentionnées au 2° de l’article 965, ne sont pas prises en compte les dettes qui sont contractées directement ou indirectement par un organisme ou une société et qui ne sont pas afférentes à un actif imposable.

Sans préjudice des II et III du présent article, la valeur imposable à [l’IFI] des parts ou actions déterminée conformément au premier alinéa du présent IV ne peut être supérieure à leur valeur vénale déterminée conformément au I ou, si elle est inférieure à cette dernière, à la valeur vénale des actifs imposables de la société diminuée des dettes y afférentes qu’elle a contractées, à proportion de la fraction de capital de la société à laquelle donnent droit les parts ou actions comprises dans le patrimoine du redevable. »

Il ne sera désormais plus tenu compte de la totalité du passif social dans l’évaluation des titres des sociétés à l’IFI, mais uniquement de celui afférent à un actif imposable.

II. Nouvel objectif atteint ? Quel impact sur l’IFI ?

 Etapes de détermination de la fraction imposable des titres sociaux

Impact sur la valorisation des titres sociaux

🟢 L’objectif d’alignement sur une détention en direct sera atteint en cas d’application du second plafond qui ne tient compte que de la valorisation nette des actifs immobiliers.

🟠 En revanche, ces nouvelles règles pourraient bien créer de nouvelles discordances, cette fois-ci entre les sociétés elles-mêmes. En effet, si une société n’a que des dettes afférentes à des actifs imposables, il n’est absolument pas sûr que les nouveaux plafonds aient vocation à s’appliquer.

Réforme favorable ou défavorable ?

🟢 La réforme sera favorable, et l’assiette IFI des redevables sera mécaniquement diminuée par rapport aux règles préexistantes lorsque les sociétés détiendront des actifs mobiliers nets de passif mais des actifs immobiliers grevés d’un passif.

🔴 Elle sera au contraire défavorable lorsque les sociétés n’auront aucun passif immobilier.

🟠 Pour les autres cas, une analyse de l’état des dettes et de leur nature sera nécessaire.

Quelques interrogations

De nombreuses interrogations demeurent à ce jour :

 1. Articulation des deux plafonds

La rédaction du IV laisse planer le doute sur l’articulation entre les plafonds : la valeur des titres imposable à l’IFI « ne peut être supérieure à leur valeur vénale ou, si elle est inférieure à cette dernière, à la valeur vénale des actifs imposables de la société diminuée des dettes y afférentes ».

Selon que le « elle » se rapporte à la valeur des titres imposable à l’IFI ou à la valeur vénale des titres, la valeur à retenir ne sera pas la même :

  • soit le 2nd plafond ne s’applique que si la valeur des titres imposables à l’IFI est inférieure au 1er plafond,
  • soit il convient de retenir le plus faible des deux plafonds.

Il nous semble conforme à l’intention du législateur de pouvoir retenir le plus faible des deux.

2. Articulation avec les clauses anti-abus et les règles sur les prêts consentis par les associés

Les plafonds doivent-ils tenir compte des dettes visées par les dispositifs anti-abus et les prêts consentis par les associés qui ne bénéficient pas des clauses de sauvegarde ?

La réponse nous semble positive.

3. Identification du passif social afférent aux actifs imposables

Quid du refinancement d’un bien ? Quid d’un passif portant à la fois sur un bien imposable et sur un bien non imposable ?

4. Applicabilité des plafonnements en cas de détention en chaine

La réponse semble positive avec pour conséquence une véritable complexification.

Abréviations

CGI : Code général des impôts

IFI : Impôt sur la fortune immobilière

LF2024 : Loi de Finances pour 2024

Obtenir la communication de documents indispensables : penser au référé mesures-utiles…

Depuis la loi NOTRe, les transferts de compétences entre collectivités n’ont cessé de s’accroître. La forme de coopération prévue par l’article L. 5111-1 alinéa 1 du CGCT permet d’aboutir, à l’issue du processus de transfert, à une mutualisation des services aboutie et pérenne. Dans l’intervalle toutefois, les rapports entre collectivités peuvent s’avérer délicats, notamment lorsqu’il est question d’obtenir des documents indispensables pour la passation de contrats de la commande publique (1). C’est dans ce contexte que le recours au référé mesures-utiles prévu à l’article L. 521-3 du CJA peut s’avérer opportun. Cette procédure, bien que subsidiaire, apparaît en effet adéquate pour obtenir la communication de documents en urgence. Peu usité dans les relations entre les collectivités, le référé mesures-utiles est pourtant un outil adapté (I.) tout autant qu’efficace (II.).  

I. Le référé mesures-utiles, un outil adapté

Une alternative à la saisine de la CADA

La liberté d’accès aux documents administratifs, rappelée à l’article L. 300-1 du CRPA, englobe les demandes de transmission formulées entre collectivités. Or, il arrive que certaines d’entre elles se montrent réticentes à accéder à de telles demandes.

Dans cette configuration, pour des collectivités faisant face à des impératifs toujours plus forts et à brève échéance (renouveler des contrats de la commande publique ; assurer la continuité et mutabilité des services publics ; mener à bien les transferts de compétences ; etc.), la saisine de la CADA (2) ne constitue pas la solution la plus opérationnelle. Cette procédure nécessite effectivement du temps, ce dont les collectivités, le plus souvent, ne disposent pas. 

En effet, pour aller devant la CADA, il est nécessaire de formuler une première demande auprès de la collectivité détenant les documents souhaités. Cette dernière peut expressément refuser d’accéder à la demande ou garder le silence durant un mois, ce qui constitue un refus implicite. En présence de tels refus, la CADA peut être saisie (sachant que cette saisine constitue un préalable obligatoire à la contestation du refus au contentieux). Cette commission se prononce dans un délai de deux mois, faute de quoi le recours devant elle est réputé rejeté. En cas d’avis négatif de la CADA ou de réitération du refus initial par la collectivité récalcitrante en dépit d’un avis favorable de la CADA, le juge pourra alors être saisi.

La lourdeur de cette procédure empêche souvent les collectivités d’assurer correctement leurs missions en temps et en heure. 

Dans ce contexte, la saisine du juge du référé mesures-utiles peut s’avérer une action contentieuse plus efficace : juge de l’urgence, il devra en effet se prononcer dans les meilleurs délais. 

La relative souplesse des conditions de recevabilité

Si le référé mesures-utiles est assez souvent mis à profit par les administrés en matière de communication de documents administratifs, il est bien moins utilisé à cette fin par les collectivités. Pourtant, la relative souplesse de ses conditions de recevabilité constitue, pour celles-ci également, un véritable atout. Ainsi :

  1. la condition d’urgence est assez aisément satisfaite, notamment lorsqu’il s’agit de préparer, à court -voire moyen- terme, un contrat de la commande publique ou un transfert de compétences ;
  2. il en va de même pour ce qui est de la condition tenant à l’utilité de la demande. Sera ainsi, par exemple, satisfaite toute demande de communication qui apparaît « nécessaire à la continuité et au bon fonctionnement du service public » (3) ;
  3. plus délicate est la condition s’attachant à l’absence d’obstacle à l’exécution d’une décision administrative. En ce sens, le refus de la collectivité, de transmettre des documents, est une décision administrative(4). Ainsi, introduire un référé mesures-utiles afin de contrer ce refus constitue un obstacle à l’exécution d’une décision administrative. Pour pallier ce risque d’irrecevabilité, il convient d’introduire le référé mesures-utiles juste après avoir formé la demande de communication afin d’éviter une quelconque réponse du destinataire(5).

Précisons enfin que ce recours est recevable en l’absence de recours parallèle au fond (contrairement au

référé-suspension (6)) et, on l’a vu, sans décision administrative préalable, ce qui assure un gain de temps indéniable pour celui qui l’intente.

II. Le référé mesures-utiles, un outil efficace

Un juge doté de forts pouvoirs

Alors que le référé mesures-utiles constitue un recours subsidiaire au regard des référés d’urgence plus classiques (tels le référé-liberté ou le référé-suspension) (7), l’office du juge n’y est pas moins efficient. 

Par nature, il lui revient en effet de prononcer des injonctions de faire (dès lors qu’elles sont « utiles »), parfois à destination de personnes privées, mais également (le plus fréquemment) à l’encontre d’administrations.

Dès lors, et bien que l’article L. 511-1 du CJA rappelle que le juge du référé peut uniquement, en principe, prononcer des mesures provisoires, il peut toutefois faire droit à la demande d’ordonner à la collectivité défaillante la communication des documents qu’elle détient. Cette mesure prononcée par le juge du référé mesures-utiles n’est pas contraire à ses attributions.

Par ailleurs, lorsque ce dernier enjoint à une collectivité de délivrer un document, il lui fixe un bref délai pour s’y conformer.

Il a même la possibilité d’assortir cette injonction d’une astreinte. Toutefois, dans le contexte des relations entre collectivités où la recherche d’une certaine harmonie doit être de mise, la radicalité d’une telle demande peut sembler inadaptée. 

Une solution rapide et possiblement consensuelle

Face à un refus de transmission de documents, la démarche contentieuse est souvent exclue par les collectivités car perçue comme chronophage et susceptible de crisper encore plus une situation déjà problématique.

  • Sur le premier point, on doit relever que le juge du référé mesures-utiles, juge unique, se prononce dans un délai variant entre quelques jours et un mois, selon l’urgence de la situation. On mesure tout l’intérêt d’intenter un tel recours plutôt que de suivre la voie « normale » qui, durant plusieurs mois, s’enlise dans les méandres de l’opposition du refus initial, de l’avis de la CADA et de l’éventuel contentieux qui s’ensuit. Et ce, d’autant plus lorsque la CADA a eu, dans des affaires précédentes, l’occasion de se prononcer sur le caractère communicable du type de documents au cœur du litige…
  • Sur le second point, il n’est pas rare qu’une telle démarche contentieuse, en raison justement de sa brièveté et des échanges -éventuellement oraux- qu’elle suscite entre les protagonistes, parvienne à débloquer la situation avant même que le juge ait à se prononcer, ce qui aboutit à un non-lieu à statuer dès lors que les documents en litige auront été effectivement communiqués.

Utiliser cette voie de droit peut ainsi apparaître comme une stratégie contentieuse susceptible de débloquer rapidement la situation. D’une part, par la survenance d’une décision juridictionnelle rapide, et d’autre part, par la création d’un rapport de force susceptible d’ouvrir de nouveaux échanges. 

Quelques précisions

  1. La passation de contrats de la commande publique suppose en effet, afin d’établir un appel d’offre dans l’objectif de renouveler un marché public ou une DSP, de connaître les informations sur le contrat qui arrive à échéance. Ces données sont en effet primordiales puisqu’elles permettent au pouvoir adjudicateur de définir ses besoins et d’ajuster le contrat futur sur le double aspect juridique et financier. 
  2. article L. 340-1 CRPA.
  3. CE 29 juillet 2002, CH d’Armentières, n°243500.
  4. CE 18 novembre 2015, Section française OIP, n°383189 ; CE 04 février 2021 n°441048.
  5. CE, 28 novembre 2018, Fock Sho Thien, n°420343.
  6. article L. 521-1 CJA.
  7. CE, 27 mars 2015, n°385332.

Abréviations

CGCT : code général des collectivités territoriales 

CJA : code de justice administrative

CADA : commission d’accès aux documents administratifs

CRPA : code des relations entre le public et l’administration

DSP : délégation de service public

SCCV : des interrogations et des opportunités

La Société civile de construction-vente (SCCV) est une forme sociale incontournable dans les métiers de la promotion immobilière. Mais son régime juridique et fiscal hybride (la promotion immobilière étant juridiquement civile, mais fiscalement commerciale) rend son maniement délicat. Aussi les complexités inhérentes à la SCCV doivent-elles être appréhendées avec précaution, notamment lorsque les associés ont des objectifs différents, que ce soit en termes de gouvernance, de responsabilité ou de liquidité.

Retour sur les principales caractéristiques de la SCCV et sur les principaux moyens d’en sécuriser le fonctionnement.

Un régime fiscal favorable, mais encadré

Une société civile qui exerce une activité commerciale est imposable de plein droit à l’impôt sur les sociétés (article 8 du Code général des impôts). Mais la SCCV bénéficie d’un régime fiscal favorable : ses associés sont imposés directement sur la part du résultat leur revenant (article 239 ter du Code général de impôts), à l’instar des associés d’une société en nom collectif, à condition que la SCCV respecte plusieurs conditions :

– elle doit avoir pour objet social mais aussi pour activité effective la construction d’immeubles en vue de la revente. L’exercice d’autres activités est susceptible de remettre en cause le régime fiscal.

  • Si l’exercice d’une activité de location nue n’entraîne généralement pas de risque de requalification, il peut en aller autrement si l’activité effective est commerciale (revente en l’état, location meublée…).
  • A l’inverse, une société civile dont l’objet statutaire est l’acquisition et la gestion d’immeubles, mais qui réalise des opérations de promotion, relève de plein droit du régime spécial, sans possibilité d’option pour l’impôt sur les sociétés (CE, 13 octobre 2023 n° 446017), ce qui peut s’avérer très défavorable si les associés sont des personnes physiques.

– les statuts de la société doivent prévoir la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social.

  • En revanche, des garanties spécifiques ou des limites aux engagements d’un associé peuvent être aménagées dans un acte extrastatutaire

La responsabilité renforcée des associés

1- L’obligation aux dettes

A l’instar des associés d’une société civile, les associés de SCCV répondent du passif social sur leur patrimoine  personnel à proportion de leurs droits sociaux (il est donc déconseillé aux personnes physiques de participer à une SCCV).

Mais cette obligation est renforcée, sur le modèle des sociétés en nom collectif  :

  • Les associés sont responsables des dettes sociales à proportion de la participation qu’ils détiennent à la date de la naissance de la dette sociale, et non à la date de son exigibilité (Civ. 3e, 6 juillet 2023, n° 21-20.620). Cette différence est sensible pour l’associé qui entre ou sort du capital alors que l’opération de construction est en cours.
  • Les créanciers de la société peuvent poursuivre les associés après une simple mise en demeure adressée à la société restée infructueuse (et non après avoir vainement poursuivi la société)/
  • Le pacte d’associés peut mettre en place des mécanismes permettant d’anticiper les éventuelles difficultés et leurs conséquences.

2- La contribution aux charges de construction

Contrairement au droit commun, la loi prévoit que le gérant peut appeler auprès des associés les fonds nécessaires à l’accomplissement de l’objet social à proportion des droits de chacun (art. L. 211-3 du CCH).

  • Cet apport de fonds peut être réalisé, au choix de la gérance, sous forme, soit d’augmentation de capital, soit d’apport en compte courant d’associé.
  • La jurisprudence a restreint le champ d’application  des appels de fonds aux seules sommes nécessaires à l’exécution de contrats de VEFA déjà conclus ou à l’achèvement de programmes dont la réalisation, déjà commencée, n’est pas susceptible de division. A l’inverse, il ne peut être procédé à des appels de fonds qui ne seraient pas nécessaires à l’achèvement d’une construction (visant, par exemple, à l’apurement de dettes de la société).

Les associés sont tenus d’y répondre. A défaut, ses parts sociales sont mises aux enchères publiques.

  • Le pacte d’associés peut cependant créer des mécanismes (garanties, sortie forcée) permettant d’éviter que les parts de l’associé défaillant ne soient ainsi vendues aux enchères.

Illustrations : deux situations particulières

1- SCCV et bailleurs sociaux

La loi ALUR, puis la loi ELAN, ont offert la possibilité aux bailleurs sociaux (offices publics, SA ou coopératives d’HLM) d’acquérir, « à due concurrence de leurs apports », des logements auprès d’une SCCV (art. L. 421-1 du CCH), à condition, notamment :

  • que la SCCV réalise au moins 25% de logements locatifs conventionnés (PLS, PLUS, PLAI) ou en accession sociale,
  • qu’elle soit constituée pour une durée n’excédant pas dix ans.

Ce régime permet d’associer pleinement le promoteur et le bailleur social à la maîtrise d’ouvrage et la réalisation de l’opération et d’en améliorer le financement.

Dans certaines circonstances, les règles de la commande publique peuvent cependant s’appliquer.

2- SCCV ou SNC ?

Contrairement à la SCCV, dont le régime fiscal de faveur est encadré (cf. ci-contre), la SNC est fiscalement translucide, quelles que soient ses activités.

En cas de réalisation d’opérations mixtes, ou de doute sur la nature précise de l’opération à venir, le recours à la SNC plutôt qu’à la SCCV permettra de conserver le bénéfice de la translucidité fiscale, sans encourir le risque d’une imposition à l’impôt sur les sociétés.